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Focus : une soirée à l’Afnic

  • master1ipituvsq
  • 28 mars 2019
  • 7 min de lecture


« The name of a resource indicates what we seek, an address indicates where it is, a route tells how to go there »
(John Schoch, 1978)

Les élèves du M1 et du M2 dans les locaux de l'Afnic

Le 13 février, les élèves du M1 et du M2 de l'UVSQ ont eu le privilège de visiter un lieu emblématique de la société numérique française. C’est à Saint-Quentin-en-Yvelines (Montigny-le-Bretonneux) que l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (Afnic) s’est implantée il y a déjà de cela 15 ans. L’Afnic, qu’est-ce que c’est ? Pierre Bonis, Directeur général à l’Afnic, nous a dévoilé les origines de ce projet de longue date.


Ses origines


Il faut remonter en 1986, avant la popularisation du World Wide Web, alors que des chercheurs faisaient encore tourner l’une des premières version de « l’Internet ». Pour ne pas se perdre dans le labyrinthe du web, où les ordinateurs communiquent essentiellement par des séries de nombres, il a fallu créer des adresses compréhensibles par les utilisateurs. Celles-ci vont se composer d’un préfixe « www » (World Wide Web), d’un nom de domaine lui-même composé d’un mot ou d’une chaîne de caractère (par exemple, « afnic ») et enfin, d’une extension. En ce qui concerne la France, cette extension, c’est le « .fr ».


Les premiers noms de domaine apparaissent tout d’abord aux États-Unis et s’étendent progressivement au monde entier. Ils permettent aux utilisateurs de disposer d’une adresse postale en ligne, plus lisible et plus facile à communiquer et à retenir qu’une série de chiffres. Lorsque l’utilisateur souhaite accéder à un site, le nom de domaine qu’il communique à son ordinateur sera associé à une adresse IP (par exemple, 203.0.113.127) par un serveur DNS (en quelque sorte, un traducteur externe). Ce sont ces adresses IP qui seront utilisées par les différentes machines communiquant entre elles, créant un chemin vers le contenu, la page web que l’utilisateur cherche à accéder. Pour une explication ludique et compréhensive de ce processus, nous vous invitons à regarder cette vidéo mise en ligne par l’Afnic.


Le nom de domaine est, à l’origine, un projet académique. Mais avec le développement de l’Internet et l’accroissement des utilisateurs, il a rapidement été rendu accessible au grand public. En France, c’est d’abord l'Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA) qui s’est vu confier la gestion du .fr. Mais avec un volume d’activité sans cesse grandissant, ce service de gestion a du s’émanciper et c’est en 1997 que naît officiellement l’Afnic, qui reste jusqu’à aujourd’hui l’unique gestionnaire du .fr en France.


Ses missions


L’Afnic a comme principale mission de constituer le registre des noms de domaine de premier niveau .fr, avec aujourd’hui pas moins de 3 millions et 200.000 noms de domaines constitués en .fr. Une responsabilité importante, qui se cristallise par le développement du e-commerce en France. Une responsabilité à grande échelle, dans un contexte de cyberguerre où une erreur se chiffrerait en milliards d’euros de pertes (à l’instar de la cyberattaque Russe opérée sur le nom de domaine Estonien). Dès lors, le .fr constitue une ressource précieuse de l’économie française, ressource qu’il convient de valoriser et de protéger.


L’Afnic assure à la fois une mission de service public et une mission d’intérêt général, afin de garantir un « Internet sûr et stable, ouvert aux innovations et où la communauté Internet française joue un rôle de premier plan ». Pierre Bonis décrit les membres de son association comme « les garants de l’Internet français » et leur métier de « notariat technologique ». Le registre de l’Afnic dessine une cartographie du paysage numérique, où chaque nom de domaine représente une parcelle de l’Internet, un territoire dématérialisé.


Malgré la tâche colossale qui lui incombe et les enjeux économiques, politiques et sociaux auxquelles elle fait face, l’Afnic n’en reste pas moins une association indépendante et à but non lucratif. Elle ne reçoit aucune subvention et 90% de ses bénéfices viennent alimenter la Fondation Afnic pour la solidarité numérique qui finance des projets communs, encourage le « développement d’un internet solidaire et la formation et la sensibilisation à ses usages ». Cela représente environ 3 millions d’euros redistribués dans des projets concrets, permettant la valorisation du .fr comme une ressource nationale qui vient directement bénéficier à la communauté.


L’Afnic, c’est aussi un garant de la liberté d’expression, puisque le nom de domaine est un outil de communication pouvant être soumis au droit d’auteur et notamment au droit des marques. Ainsi l’association prend en compte les droits des citoyens lors de l’octroi de noms de domaines pouvant porter atteinte aux droits de tiers. L’utilisation d’une marque dans un nom de domaine pourrait, par exemple, servir aux fins de critique ou de parodie comme dans l’affaire de jeboycottedanone.com. En revanche l’Afnic n’est pas soumise à une obligation de vérifier à priori la licéité du nom de domaine.


L’Afnic, c’est encore des activités de partenariat, de recherche & développement, ainsi qu’une participation importante dans la discussion communautaire sur la gouvernance de l’Internet. L’association a travaillé sur de nombreux protocoles, notamment une norme de l’IETF visant à minimiser les failles de sécurité lors de la communication entre un client et un serveur DNS (le protocole DANE). Elle a de même contribué au développement des normes IPv6 (pour l’attribution d’adresses IP) et DNSSEC (pour résoudre certains problèmes de sécurité liés au protocole DNS). L’Afnic permet d’assurer un niveau de sécurité reconnu et validé par l’Afnor (Association française de normalisation), grâce à la certification ISO 27001 garantissant la cybersécurité, la protection des données personnelles, le contrôle des data et le management des systèmes d’informations. Elle contribue également à un socle de bonne pratiques avec l’EFQM (European Foundation for Quality Management la certification) qui lui a reconnu la certification « d’excellence 4 étoiles », garantissant la satisfaction de la clientèle ainsi que la disponibilité et la performance des infrastructures.


Depuis deux ans, un des axes forts de l’Afnic est le renforcement de la présence des TPE et PME en ligne. En effet, aujourd’hui seulement un tiers de ces acteurs possèdent une présence en ligne, ce qui montre un retard de la France par rapport à ses homologues européens. Certaines entreprises craignent n’avoir ni les capacités ni les moyens de se lancer dans le projet du nom de domaine. Bien que les règles de l’enregistrement du .fr eussent été plus restrictives au moment de l’avènement de l’Internet, l’Afnic veut aujourd’hui rassurer les entreprises et leur montrer qu’il est désormais beaucoup plus simple et peu couteux de gérer son nom de domaine. Pour cela, elle a mis en place plusieurs dispositif pour se former, tels le « réussir en .fr » (plateforme proposant des articles, vidéos astuces et témoignages pour le lancement de son activité en ligne), le « réussir avec le web » (permettant de mesurer son niveau de présence en ligne et obtenir des recommandations) ou encore le « Foliweb » (offrant des ateliers dans plusieurs villes françaises afin d’aider les participants à activer leur présence en ligne).


Son fonctionnement


Le service principal proposé par l’Afnic repose sur un système B to B to C (du professionnel au professionnel, puis au consommateur). Lorsqu’un consommateur souhaite acheter un nom de domaine, il ne va pas s’adresser directement à l’Afnic mais à un bureau d’enregistrement qui agit en tant que revendeur. Ce dernier agit donc comme un prestataire de service certifié qui proposent également des services d'hébergement, des adresses de courrier électronique, etc. Un nom de domaine coûte environ 10 euros par an, sans compter les services additionnels pouvant être proposés par le bureau d’enregistrement (création d’un blog, hébergement, etc.).


Outre le .fr, l’Afnic assure également la gestion de 5 extensions ultramarines dont le .re (pour La Réunion) et le .yt (pour Mayotte). En 2008, elle entame un virage stratégique avec l’ouverture de nouvelles extensions telles le .museum ou le .paris. Elle prend ainsi le rôle d’opérateur technique de registre, c’est-à-dire qu’elle n’agit plus seulement en tant que simple registre des noms de domaine mais fournit un socle technique afin de proposer à des communautés ou à des entreprises de déposer leur nom et de créer une nouvelle extension qui correspond à leur nom ou leur marque. On distingue alors les extensions ouvertes (dites territoriales, comme le .alsace ou le .paris) et les extensions fermées (non territoriales, comme le .museum). A titre d’exemple, récemment, la société SNCF a pu se doter de sa propre extension pour son site oui.sncf.


Son expertise juridique


L’Afnic emploie à ce jour 3 juristes spécialisés dans le droit de l’Internet, le droit de la propriété intellectuelle et le droit de l’informatique.


La première mission de ces juristes est d’offrir une expertise sur les noms de domaine, bien qu’ils interviennent également régulièrement sur les contrats de partenariat entre l’Afnic et d’autres organismes. Ce service juridique, qui assure une mission de service public, est soumis à la loi du 1er juillet 1901 pour les associations à but non lucratif. Son expertise dépasse les noms de domaine et touche à la fois au droit privé et au droit public, et notamment aux données personnelles (une spécialité développée même avant la mise en place du RGPD).


Sa seconde mission consiste en la gestion des litiges et de l’arbitrage. Pour cela les juristes de l’Afnic ont créé leurs propres procédures alternatives de résolution de litiges : SYRELI ou PARL EXPERT, permettant une procédure dématérialisée permettant de récupérer un nom de domaine ou d’en obtenir la suppression (plus de précisions ici). D’autre part, l’Afnic a mis en place une base de données « Whois » regroupant les noms de domaine enregistrés en .fr associés aux bureaux d'enregistrement et aux noms des titulaires de ces noms de domaine. Ainsi une personne peut savoir qui se cache derrière un site en .fr en déposant une demande de divulgation de données personnelles, à condition, entre autres, de justifier d’un droit antérieur. Les règles strictes régulant l’utilisation de ce service permettent de préserver l’anonymat des titulaires.


Enfin, sa troisième mission est de gérer et d’assurer le respect des politiques de registre. Elle se réfère en particulier à sa Charte de nommage, véritable Bible ou Constitution pour les juristes de l’Afnic. Celle-ci regroupe les règles d'enregistrement pour les noms de domaine se terminant en .fr. C’est un document crucial puisque qu’en son article 2, la Charte précise que « Le titulaire d'un nom de domaine est réputé avoir pris connaissance des termes de la présente charte et les accepter sans réserve, du seul fait d'avoir demandé l'enregistrement ou la transmission d'un nom de domaine. » En autres, me service juridique de l’Afnic travaille régulièrement sur les contrats encadrant les relations entre les bureaux d’enregistrement et l’Afnic et s’assure de leur éligibilité pour la distribution du .fr.


L’Afnic reste, à ce jour, peu connue du grand public. Elle est pourtant le principal acteur du développement de l’identité numérique des entreprises françaises. Sa stratégie porte ses fruits puisqu’en 2018, plus de 3,3 millions de noms de domaine en .fr ont été enregistrés, soit 4,4 % de croissance en 1 an. Le .fr se situe aujourd’hui à la première place des noms de domaine des pays de l’Union européenne.


Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le site de l’Afnic, très complet et riches en ressources pouvant intéresser les juristes versés dans le droit du numérique : https://www.afnic.fr/fr/.


Le M1 Droit de la propriété intellectuelle et du numérique et le M2 Pidan de l’UVSQ remercient chaudement Pierre Bonis, Benoit Ampeau et toute l’équipe de l’Afnic pour nous avoir permis de découvrir leurs locaux et leur formidable métier !


Daria PUTILINA

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