L’impact de la loi PACTE sur le droit des brevets
- master1ipituvsq
- 14 juil. 2019
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La loi PACTE relative à la croissance et la transformation des entreprises a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 11 avril 2019 et validée par le Conseil Constitutionnel [1]. Cette loi vient modifier le droit français des brevets. En effet, elle renforce le certificat d’utilité afin de faciliter la protection des inventions pour les petites et moyennes entreprises (PME). La loi adoptée ne retient pas la demande provisoire de brevet mais le Conseil d’État semble laisser la possibilité au pouvoir règlementaire de la mettre en place (I). Elle crée ensuite un examen a priori des conditions de validité du brevet (II) par l’Institut National pour la Propriété Intellectuelle (INPI) ainsi qu’une procédure d’opposition (III).
I. Renforcement du certificat d’utilité et demande provisoire de brevet
L’article L611-2 du Code de propriété intellectuelle (CPI), modifié par l’article 118 de la loi PACTE, prévoit un allongement de la durée du certificat d’utilité de 6 à 10 ans. L’article L612-15 du CPI précise qu’il est possible de transformer le certificat d’utilité en brevet selon une procédure précisée par voie réglementaire. L’entrée en vigueur de ces dispositions aura lieu au moment de la publication des dispositions réglementaires. Le rapport Lescure précise que l’objectif du renforcement du certificat d’utilité est de permettre un accès facilité à la protection par le droit de la propriété industrielle pour les inventions ne nécessitant pas une protection au-delà du territoire français. L’intérêt majeur du certificat d’utilité est le faible coût de celui-ci.
Une demande provisoire d’une durée de 12 mois maximum, qu’il est possible de compléter en conservant le bénéfice de l’antériorité, a été proposée. Cette procédure simple et peu couteuse n’a pas été retenue dans la loi. Cependant le Conseil d’État prévoit son instauration par voie règlementaire [2].
II. Examen a priori des conditions de validité au brevet
L’article 122 de la loi PACTE modifie l’article L612-12 du CPI et prévoit un examen a priori des conditions de validité du brevet par l’INPI. Ainsi l’INPI doit, dès le départ, vérifier les critères d’inventivité, de nouveauté et d’application industrielle en détails, tandis qu'auparavant il se contentait de vérifier que les conditions étaient manifestement remplies. La suppression du terme « manifestement » permet un contrôle plus important de la validité des brevets en amont. Cela a pour intérêt de réduire le nombre de litiges en refusant d’office d’enregistrer des brevets non valables. Néanmoins, cela impose à l’INPI un contrôle nettement plus important. Cela soulève la question de savoir si les effectifs de l’INPI seront suffisants pour gérer cette nouvelle procédure avant l’entrée en vigueur de la loi PACTE. Imposer à l’INPI un examen a priori des brevets implique ainsi une augmentation du budget qui lui est alloué. Or, la Cour des Comptes, le 20 octobre 2014, a mis en garde le Gouvernement contre le risque de ne pas avoir les fonds nécessaires [3]. De plus, les avocats se plaignent de cette nouvelle procédure qui leur fait perdre des clients au contentieux en annulation de brevet devant les juridictions spécialisées.
III. Procédure d’opposition
L’article 121 de la loi Pacte habilite le Gouvernement, en vertu de l’article 38 de la Constitution, à instaurer par voie d’ordonnance une procédure d’opposition. Cela permet « aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d'un brevet », et ce avant que le brevet ne soit délivré. C’est un alignement du droit français sur le droit européen puisque l’EPO (European Patent Office) connaît déjà cette procédure. Elle permet d’éviter que des brevets non valides ne soient délivrés par l’INPI. Néanmoins, l’INPI doit se voir allouer un budget plus important pour pouvoir traiter les nouveaux litiges. Cela permet de désenclaver les tribunaux, mais les avocats désapprouvent la procédure, car ils perdent des actions au contentieux.
V. Modification de l’action en nullité
La loi pacte modifie les modalités de l’action en nullité. L’article 124 de la loi Pacte modifie l’article L521-3 du CPI en faisait courir le délai de prescription de 5 ans à compter du jour où le titulaire a connaissance ou aurait dû avoir connaissance de la contrefaçon. Auparavant, le délai courait au jour de l’infraction. Ce report du départ du délai permet une meilleure protection pour le titulaire qui pourra plus facilement engager une action en nullité. Cela contrebalance le problème des avocats, qui se voient retirer des clients à raison de la procédure d’opposition, en élargissant les cas où l’action en nullité est possible.
Chloé RIBEYRE
[1] CC n°2019-781 DC
[2] CE avis 15 juin 2018, n° 394599 et n°935021, p.22
[3] Matthieu Dhenne, Emmanuel Py, Les réformes du droit des brevets prévues par le projet de loi PACTE – Dalloz. 2018. 2408
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